Le 150e anniversaire de la mort de Michel Garicoïts – de sa montée au ciel, un matin d’Ascension –, voilà l’occasion idéale de parler encore de celui que l’Église appelle « saint ». Le cardinal Ricard l’a dit, à Bétharram : « Chaque saint est marqué par son époque, par les événements qu’il a vécus, par la culture de son temps, y compris la culture biblique ou théologique liée aux livres qu’il a lus. Et pourtant, l’expérience de Dieu qui habite le cœur d’un saint le fait échapper aux contingences historiques et lui permet de rejoindre de façon étonnante des hommes et des femmes qui vivent à une autre époque que lui. »
On décèle vite « les contingences historiques », dans la vie de Michel Garicoïts :
- sa naissance dans la période troublée de la grande révolution, au sein d’une famille qui a soutenu les prêtres fidèles à l’Église ;
- son enfance, pleine d’espiègleries vite corrigées par sa mère ;
- son désir de devenir prêtre, malgré l’extrême pauvreté des siens ;
- la nécessité, pour assurer ses études, de travailler chez le curé de Saint-Palais ou à l’évêché de Bayonne ;
- l’estime de tous, enseignants et compagnons, à Aire-sur-Adour et au séminaire de Dax ;
- la dernière montée vers le sacerdoce, tout en épaulant l’abbé Claverie à Larressore ;
- son ministère, de suite fructueux, de vicaire à Cambo ;
- et son long séjour, son enfouissement, à Bétharram, à l’autre bout du diocèse.
Tout cela on sait le dire et, généralement, bien le dire.
On ajoute que, ayant découvert la vie religieuse avec les Filles de la Croix à Igon, il a fondé une Congrégation – « les Bétharramites » – avant de mourir encore prêtre du diocèse de Bayonne.
Raconter tout cela, suffit-il ? Sûrement pas ! On n’a même (presque) rien dit de la sainteté de Garicoïts ! Le plus important !
L’important ? La spiritualité qui le fait vivre et qu’il nous propose !
Les rigueurs jansénistes de sa mère, partagées par tant de prêtres, ont éloigné Michel de la sainte table. À 14 ans, il est « petit domestique » à Oneix ; quand la maîtresse de maison lui parle encore de communion, il est tout désolé, angoissé, troublé à l’extrême. Pourra-t-il s’unir à Jésus ? La réponse, il la reçoit dans une illumination : Dieu nous aime, Dieu n’est qu’amour. Il en est certain, pour toujours. Plus rien ne pourra ternir cette foi. « Dieu est fondu en charité ».
Jeune prêtre, vicaire à Cambo, il découvre la dévotion au Sacré-Cœur. Grâce à qui ? Grâce à deux demoiselles âgées de moins de 20 ans ! Au Sacré-Cœur, plus tard, sera consacrée la Société qu’il fondera. Mais, pour cela, Michel Garicoïts passera comme par un noviciat…
Ces mêmes filles lui ouvrent la route. 1825 : elles veulent devenir religieuses. « Pas à Igon ! Les Filles de la Croix ? Des imbéciles qui ne savent même pas parler le français ! », dit le prêtre. Et les dirigées de prendre la direction… d’Igon ! Quatre mois après, l’évêque nomme Michel à Bétharram ! À quatre kilomètres d’Igon. Quel prêtre n’irait saluer ses anciennes paroissiennes ? Surtout si, en plein Béarn, il veut échanger quelques mots de basque… Surprise ! Divine surprise ! Ces religieuses, bien pauvres, mais si joyeuses, si pleines d’entrain ! Michel Garicoïts se laisse convertir par ces sœurs et leur fondatrice, Jeanne-Élisabeth Bichier des Âges. Quand le séminaire de Bétharram se vide, il peut y regrouper des compagnons épris du même idéal. Une nouvelle famille religieuse naît en 1835.
La Société du Sacré-Cœur : pour quoi faire ? Rien de particulier ! Sinon de se tenir toujours disponible pour, à l’exemple du Cœur tout aimant du Fils de Dieu, répondre : « Me voici ! Par amour ! » Ce bonheur habite Michel et les siens ; ils veulent le proposer dans les écoles et les collèges, lors des missions paroissiales, en Amérique du Sud.
Récemment, le pape François a dit : « Aujourd’hui encore le monde a besoin de connaître la miséricorde divine. Je vois avec clarté que la chose dont a le plus besoin l’Église aujourd’hui c’est la capacité de soigner les blessures et de réchauffer le cœur des fidèles, la proximité, la convivialité. » Michel Garicoïts, partant de la contemplation du Fils de Dieu devenant un être humain et donnant sa vie pour le salut de tous, pousse les siens – ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui – au même émerveillement pour dire l’amour miséricordieux de Dieu.
Est-il message plus important, plus urgent ? En 15 pays, les religieux du Sacré-Cœur de Jésus veulent participer à la mission de l’Église. En France les communautés – devenues internationales par la présence de frères burkinabè, indien, thaïlandais, béninois ou ivoirien –, par leur vie et leur parole, veulent actualiser cette même certitude : « Il a plu à Dieu de se faire aimer. »
Malheur à nous si nous n’annonçons pas cette bonne nouvelle !