Habemus papam– – Édito paru dans la revue Notre Église n°170.
Ce 8 mai 2025, la formule rituelle est à peine prononcée par le cardinal Mamberti, à qui revient cette annonce, que la foule massée place Saint-Pierre – environ 100 000 fidèles – explose de joie, avant même de connaître le nom de l’heureux élu ! Il ne faisait pas partie des favoris, mais la rapidité du Conclave manifeste que les cardinaux ont tôt fait de se mettre d’accord sur le nom du cardinal Robert Francis Prévost, préfet du Dicastère pour les évêques depuis deux ans ; et ce fut une grande surprise lorsqu’il fit sa première apparition à la loggia de la basilique Saint-Pierre ! Comme il le confiera lui-même dans son homélie, lors de la messe solennelle inaugurant son ministère pétrinien, en soulignant « l’esprit de foi » qui a présidé au Conclave : « Nous avons senti l’action de l’Esprit Saint » et « J’ai été choisi sans aucun mérite et, avec crainte et tremblements, je viens à vous comme un frère qui veut se faire le serviteur de votre foi et de votre joie, en marchant avec vous sur le chemin de l’amour de Dieu, qui veut que nous soyons tous unis en une seule famille ». Tout est dit de l’orientation fondamentale de son pontificat. On reconnaît la marque augustinienne de celui qui fut, deux mandats de suite, le Prieur général de l’ordre de Saint-Augustin : l’insistance dans toutes ses premières prises de parole sur l’Église comme Corps mystique du Christ, appelée à vivre la communion fraternelle, enracinée dans l’amour de Dieu, et à être ferment d’unité. Il fondera précisément sa posture pastorale dans cette affirmation de saint Augustin, qui m’est si chère : « Pour vous je suis évêque, avec vous je suis chrétien », autrement dit : pour vous, je suis un père, avec vous je suis un frère !
Par le nom qu’il a choisi, Léon XIV, il s’inscrit dans une lignée qui le précède et il se définit comme « un pasteur capable de garder le riche héritage de la foi chrétienne », héritier de ce patrimoine dont il est appelé à être « le fidèle administrateur au profit de tout le Corps mystique de l’Église ». Le nom de Léon renvoie à Léon XIII, comme il l’a lui-même révélé, l’initiateur de la doctrine sociale de l’Église, afin de « jeter son regard au loin pour répondre aux questions, aux inquiétudes et aux défis d’aujourd’hui », en affrontant en particulier la révolution industrielle caractérisée aujourd’hui par l’intelligence artificielle. Mais il renvoie aussi à saint Léon le Grand, le premier de la lignée, contemporain de saint Augustin et qui fut à la fois le docteur de l’Incarnation et le docteur de l’unité. Ainsi, dans sa première homélie, à la chapelle sixtine, il commenta la belle profession de foi de Pierre sur laquelle Jésus promit de fonder l’Église : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16) ; et le jour de l’inauguration de son pontificat, il déclara : « Chers frères et sœurs, je voudrais que ce soit notre premier grand désir : une Église unie, signe d’unité et de communion, qui devienne ferment pour un monde réconcilié ».
Le Christ est manifestement le cœur de son message : quiconque exerce un ministère d’autorité dans l’Église doit « disparaître pour que le Christ demeure, se faire petit pour qu’il soit connu et glorifié, se dépenser jusqu’au bout pour que personne ne manque l’occasion de le connaître et de l’aimer », disait-il, le 9 mai, dans la chapelle sixtine ; « Nous voulons dire au monde, avec humilité et joie : regardez le Christ ! Approchez-vous de lui ! Accueillez sa Parole qui illumine et console ! Écoutez sa proposition d’amour pour devenir son unique famille », s’écriait-il le 18 mai, sur la place Saint-Pierre, citant sa devise, « In illo uno unum », pour bien montrer que l’unité vient seulement du Christ : « dans l’unique Christ, nous somme un » !
C’est un pape spirituel que nous recevons, qui tourne nos regards résolument vers Dieu. Aux patriarches et évêques des églises orientales, en faisant l’éloge de leurs liturgies, il affirmait : « Combien nous avons besoin de retrouver le sens du mystère, si vivant dans vos liturgies … Et combien il est important de redécouvrir, même dans l’Occident chrétien, le sens de la primauté de Dieu ». Un pape qui, tout en étant attentif aux conditions des hommes d’aujourd’hui, rappelle que c’est précisément « le manque de foi » qui « entraîne souvent des drames tels que la perte du sens de la vie, l’oubli de la miséricorde, la violation de la dignité de la personne sous ses formes les plus dramatiques, la crise de la famille et tant d’autres blessures dont notre société souffre considérablement » ; d’où l’importance primordiale de « notre relation personnelle avec le Christ, dans l’engagement d’un chemin quotidien de conversion ».
Missionnaire dans l’âme, il insiste à l’envi sur l’urgence de la mission d’annoncer l’Évangile à toute créature, pour que l’Église soit « toujours plus la ville placée sur la montagne (cf. Ap 21, 10), l’arche du salut qui navigue sur les flots de l’histoire, phare qui éclaire les nuits du monde. Et cela, non pas tant grâce à la magnificence de ses structures ou à la grandeur de ses constructions … mais à travers la sainteté de ses membres ». S’il s’écriera : « C’est l’heure de l’amour », il semble affirmer ici que c’est aussi le temps des saints !
Il apparaît comme le pape de l’intériorité, le pape de l’unité et le pape de la mission ! Entendons son appel à construire, « avec la lumière et la force de l’Esprit Saint », « une Église fondée sur l’amour de Dieu et signe d’unité, une Église missionnaire, qui ouvre les bras au monde, annonce la Parole, se laisse interpeller par l’histoire et devient un levain d’unité pour l’humanité ». Rendons grâce à Dieu pour le pape Léon XIV et confions-le à Notre Dame du Bon Conseil pour qui il a une telle dévotion.
+ Mgr Marc Aillet
