Éditorial de Mgr Marc Aillet, revue diocésaine « Notre Église » n° 146 d’avril 2023
Comme nous le lisons dans la Constitution Lumen Gentium : « Cependant il a plu à Dieu que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel ; il a voulu au contraire en faire un peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté » (n. 9). Cette dimension communautaire du salut, qui souligne l’Écclésiologie de Communion du Concile Vatican II, doit être au cœur de la vie chrétienne et de la mission de l’Église.
Tout simplement parce que l’homme a été créé à l’image de Dieu qui est Communion d’amour entre le Père et le Fils et l’Esprit Saint. L’homme est donc par nature un être de relation, à tel point que l’image de Dieu dans l’homme ne se réalise pleinement que dans l’unité de l’homme et de la femme, mieux : dans l’unité de la famille. Dans sa réponse aux pharisiens qui l‘interrogent sur le divorce, Jésus répond en reliant les deux récits de la création : « N’avez-vous pas lu ceci ? Dès le commencement, le Créateur les fit homme et femme ; à cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair » (Mt 19, 4-5), où il faut entendre l’unité de l’homme et de la femme, dans la différenciation et la complémentarité des sexes, et l’unicité de l’enfant qui naîtra de leur union. Comme le précise encore le Concile Vatican II : « Le mariage et l’amour conjugal sont d’eux-mêmes ordonnés à la procréation et à l’éducation des enfants » (Gaudium et spes n. 48). Autrement dit, on ne peut disjoindre le couple de la famille et on peut dire que l’image de Dieu se réalise en plénitude en eux. C’est la raison pour laquelle le Prince de ce monde s’est attaqué dès le commencement à ce dessein du Créateur, en brisant l’harmonie entre l’homme et la femme, en les divisant – « Ta convoitise te portera vers ton mari, et celui-ci dominera sur toi » (Gn 3, 16) – et en s’attaquant à la vie – « Le Dragon vint se poster devant la Femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance » (Ap 12, 4).
C’est ainsi que pour sauver l’homme, le Rédempteur a commencé par restaurer le couple et la famille. Jésus est né dans une famille, de telle sorte que la sainte famille de Nazareth est devenue, non seulement le modèle de la famille, cellule de base de la société humaine, mais l’archétype de toute communauté chrétienne. Jésus s’est désigné comme l’Epoux, assumant la rhétorique des prophètes où Dieu est présenté comme l’Epoux de l’humanité, trahi par les égarements de son peuple comparé à une épouse infidèle, coupable d’adultère. Dans l’acte rédempteur, comme le commente saint Paul, le Christ est l’Époux de l’Église se livrant tout entier pour elle : « Vous les hommes, aimez votre femme à l’exemple du Christ : il a aimé l’Église, il s’est livré lui-même pour elle, afin de la rendre sainte en la purifiant par le bain d’eau qu’une parole accompagne (…) Ce Mystère est grand, je le dis en référence au Christ et à l’Église » (Ep 5, 25-26. 32). La restauration de l’image de Dieu dans l’homme passe d’abord par le baptême et s’accomplit de manière très particulière dans le sacrement du mariage.
Toute l’histoire de l’humanité est traversée par l’œuvre de destruction du péché et par l’œuvre de rédemption accomplie par le Christ, où l’Évangile a imprégné les structures sociales jusqu’à constituer des nations chrétiennes fondées sur le respect de la vie et la dignité de la famille. Le Prince de ce monde, avec la permission de Dieu, poursuit son œuvre de destruction, décuplée de nos jours, en s’attaquant, par les lois sociétales qui s’empilent depuis des décennies, au mariage, à la vie dès sa conception, aujourd’hui à la différenciation des sexes. Sous son influence, ces mêmes nations se sont remises sous le joug du péché originel, comme s’il n’y avait pas de Rédempteur !
D’où l’urgence d’une pastorale de la vie et de la famille qu’il me semble fondamental de relancer dans notre diocèse : les pasteurs sont au service de la famille, car c’est en elle que le Dieu d’amour est appelé à se rendre visible aux yeux des hommes. L’Église est une famille de familles, et la famille est la première Église, l’Église domestique. Nous nous lamentons de voir si peu de familles dans nos assemblées, mais pour autant elles sont présentes car chaque fidèle, quel que soit l’éloignement des enfants ou bien les divisions et séparations qui l’affectent, est relié mystérieusement à chacun des membres de sa famille et œuvre, par sa sanctification, à sa restauration. Rendons grâce à Dieu pour les communautés qui se constituent à partir de familles unies et ouvertes à la vie, parce que centrées sur le Christ, leur Rédempteur. Notre Espérance est dans le Christ mort et ressuscité : il a vaincu le monde et le Prince de ce monde a été jeté dehors !