Le temps des saints – Édito paru dans la revue Notre Eglise n°162.
Nos larmes n’ont pas encore séché depuis la disparition brutale de notre jeune abbé Alexandre Blaudeau, que nous devons reprendre avec courage nos activités quotidiennes.
Sa mort a provoqué une vague d’émotion et de mobilisation hors du commun : les témoignages nous parviennent de toutes parts, bien au-delà des frontières de notre diocèse ! Ceux qui l’ont connu, qui l’ont accompagné dans sa formation, à la Propédeutique et au Séminaire diocésain de Bayonne, et côtoyé de près dans son ministère sont unanimes : il fut un séminariste exemplaire et un prêtre dont l’intériorité, l’humilité et le zèle apostolique, en grande communion fraternelle avec ses frères prêtres de Nay, ont marqué très profondément jeunes et moins jeunes. Un jeune de Nay envoyait ce message poignant à tous les membres de l’aumônerie, tout en les invitant à tout faire pour être présents aux funérailles et à en faire « un moment lumineux d’adieu » : « Soyons plus que jamais unis autour de ces grandes grâces que Dieu nous a données à travers l’abbé Alex et puisse-t-il être élevé aussi haut et aussi majestueusement que ses élévations elles-mêmes le furent. Prions enfin pour nos prêtres et notre évêque, pour leur passage de ce deuil. Nous avons tous le cœur brisé, déchiré, retourné. Et pourtant, paradoxalement, on a tous la certitude qu’il est là, autour de chacun de nous et qu’il intercède déjà pour nous aider à surmonter notre peine ».
J’ai dit dans mon homélie qu’il y avait en lui « une graine de saint » et je partage cette conviction avec beaucoup. Quand le temps de l’émotion sera passé, il faudra rassembler les témoignages reçus et en appeler de nouveaux : peut-être qu’une « fama sanctitatis », c’est-à-dire une « réputation de sainteté » se fera jour, ce qui permettrait – qui sait ? Je le dis avec prudence – d’envisager l’ouverture d’une cause en béatification ?
Nous n’en sommes pas là. Mais j’en suis de plus en plus convaincu : c’est le temps des saints ! Dans les crises que l’Église traverse aujourd’hui, les vrais réformateurs, ce sont les saints ! Comme me l’écrit le cinéaste qui avait
réalisé le film « Nos vies offertes » sur le Séminaire de Bayonne, à propos de l’abbé Alexandre : « Merci de nous avoir permis de le connaître, nous rendons profondément grâce pour son parcours de lumière et pour l’exemple qu’il représente pour les jeunes… et d’avoir ainsi contribué à restaurer l’image si abîmée de notre Église ».
Comme je le répète, avec saint Jean Paul II, en ces temps où je préside à l’installation des nouveaux curés : « Et tout d’abord je n’hésite pas à dire que la perspective dans laquelle doit se placer tout le cheminement pastoral est celle de la sainteté » (Au début du nouveau millénaire, 2001). Il faudra relire les numéros 30-41 de cette lettre apostolique, document programmatique pour l’Église entrant dans le troisième millénaire, où saint Jean Paul II énonce les piliers de la sainteté : la prière, l’Eucharistie dominicale, le sacrement de la Réconciliation, le primat de la grâce, l’écoute de la Parole et l’annonce de la Parole. Une vie d’intimité avec le Seigneur, non sans combat spirituel, pour annoncer l’Évangile à frais nouveaux.
Et l’Évangélisation passe d’abord par le témoignage de l’amour. La prière d’ouverture de la messe du 25ème dimanche du temps ordinaire nous rappelle que « toute la loi de sainteté consiste à aimer Dieu et à aimer son prochain ». La prière, la vie sacramentelle et l’écoute de charité du Christ pour nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés, selon le commandement nouveau qu’il a donné à ses disciples, dans le contexte de l’Institution de l’Eucharistie. Et en effet, « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que tous vous reconnaîtront pour mes disciples » (Jn 13, 35). Quand la charité fraternelle – qui bannit le jugement, l’accusation, la condamnation, l’anathème, les jalousies et les rivalités, les rumeurs entretenues, le commérage, la concurrence de pouvoir… – règne dans une communauté, alors on peut dire qu’on y témoigne concrètement de la Résurrection du Christ et que nous devenons attractifs pour ceux qui nous regardent de l’extérieur.
Le vicaire général de Lyon, confiant sa mission au saint Curé d’Ars, lui dit : « Il n’y a pas beaucoup de charité dans cette paroisse, vous en mettrez » ! Je le dis à mon tour aux curés qui ont mission de conduire le peuple de Dieu, à la manière du bon Pasteur : ayez à cœur de mettre de la charité dans vos communautés, et cela passe par une vraie vie d’union au Christ. C’est le programme pastoral qui s’impose à nous aujourd’hui.
+ Marc Aillet