Le sens des reliques

12, Juin 2025

Alors que les reliques de sainte Marguerite-Marie Alacoque prérégrinent dans notre diocèse, le docteur Patrick Theillier revient sur le sens des reliques.

À l’heure du transhumanisme, quand la sépulture cède de plus en plus la place à l’incinération, le culte des reliques peut apparaître comme une piété désuète et superstitieuse, « ringarde » en quelque sorte… Pourquoi donc l’Église, encore aujourd’hui, attache une telle importance aux reliques, qu’elle considère comme absolument précieuses ? Pour une raison fondamentale : « Si nous conservons précieusement les reliques des martyrs et des saints, comme nous entourons de respect le corps de tous les défunts, c’est parce que l’Église croit « en la résurrection de la chair » » (Mgr J. Perrier).

            Le culte des reliques s’enracine d’abord dans les comportements humains naturels.

Ainsi, le respect des morts est un des traits caractéristiques de l’humanité. C’est un devoir sacré pour la conscience universelle. Dans la mythologie grecque, rappelons-nous Antigone, prête à sacrifier sa vie pour enterrer son frère. Dans la Bible, en Gn 23, Abraham tient à acheter la caverne de Macpela pour y enterrer son épouse Sara. Jacob insiste auprès de son fils, Joseph, pour que son corps soit ramené d’Égypte et enterré près de ses ancêtres. Enterrer les morts est une des sept œuvres de miséricorde corporelle : Tobie, déporté à Ninive, risque sa vie pour ensevelir un de ses compatriotes, contre l’ordre du roi (Tobie 2, 3-8). Être privé de sépulture est une malédiction (Ps 78-79, 3).

Un très court passage de l’Ancien Testament est révélateur par rapport aux reliques (2R13, 20-21) : le grand prophète Élisée, qui a ressuscité le fils de la Sunamite, meurt et est enterré ; alors :  « Il arriva que des gens qui portaient un homme en terre le jetèrent dans la tombe d’Élisée et partirent. L’homme toucha les ossements d’Elisée : il reprit vie et se dressa sur ses pieds ».

Dans l’Évangile, Jésus respecte les rites funèbres, tout en les relativisant.

Il fait l’éloge de la femme qui, par avance, a oint son corps en vue de sa sépulture (Mt 26, 12-13). À celui qui voudrait le suivre mais veut, d’abord, enterrer son père, Jésus répond : “Laisse les morts enterrer les morts” (Lc 9, 60). Le père sera quand même enterré. Mais la mission du disciple est d’annoncer la Vie. À trois reprises, sans leur reprocher leurs pleurs ou leurs rites, Jésus rend la vie : au fils de la veuve de Naïm, à la fille du centurion, à son ami Lazare.

Le christianisme n’est pas un culte des morts, mais la proclamation de la victoire de la Vie sur la mort.

 Historiquement le culte des reliques a commencé avec le témoignage des martyrs : les premiers chrétiens venaient récupérer pieusement quelques restes des disciples martyrisés, considérés tout de suite comme entrés dans la gloire de Dieu parce qu’ayant versé leur sang pour lui. Quand on perd un être cher, on tient à garder quelque chose de lui. Si nous conservons des vêtements ou des objets de nos aïeux, à bien plus forte raison est-il juste de garder ce qui peut rester d’une personne considérée comme sainte par l’Église, tout spécialement les martyrs qui ont donné leur vie pour la foi.

Par la suite, le culte rendu aux martyrs engendre, au 4ème siècle, le culte des reliques s’étendant à d’autres saints : cet usage deviendra unanime et universel. D’autant plus qu’en présence des saintes reliques, Dieu accorde d’innombrables signes : les récits de miracles foisonnent.

De fait, les reliques (du latin reliqiae, restes) sont des restes d’un saint qui fut un membre de Jésus Christ, temple et instrument de l’Esprit Saint, promis à la résurrection éternelle.

Ces reliques peuvent être des éléments de son corps, ce qu’on appelle les reliques insignes ou reliques de première classe ; ces fragments peuvent être n’importe quelle partie du corps, qu’il s’agisse d’os, de chair (peau ou organes), de cheveux.

Il peut aussi s’agir d’objets lui ayant appartenu ou ayant été en contact avec son corps, comme tout ou parties de son vêtement, d’instrument de son supplice, d’objets lui ayant appartenu, sanctifiés par son contact.

La vénération des reliques est donc aussi ancienne que l’Église.

Le lieu où elles reposent est inviolable.  Ainsi, il y a une relique dans toutes les pierres d’autel. En cas de danger (épidémie, famine, siège, etc.), la tradition est de promener en procession des reliques pour arrêter le mal.

 .Bien sûr la piété populaire, toujours à la recherche de sensationnel, risquait de s’emballer.

Aussi, le code de droit canonique, en 1983 a fixé les normes juridiques pour la reconnaissance, la conservation et l’exposition des reliques[1].

En pratique, l’ostension des reliques part de l’expérience humaine spontanée la plus simple. Quand vous regardez le collier que portait votre grand-mère ou le missel dont elle se servait, est-ce au collier ou au missel que va votre affection ? Non, mais à votre grand-mère, que ces objets vous rappellent : vous vous souvenez de sa bonté et de sa foi, des bons conseils qu’elle vous a prodigués et vous rendez grâce à Dieu de vous avoir donné une telle grand-mère. L’important, c’est ce que la relique suscite.

Ce n’est pas un culte d’adoration, réservé à Dieu seul (les reliques ne se mettent pas sur les autels[2]), mais de respect, de vénération, contribuant à nous mettre en route vers la sainteté, à la suite de tous les grands témoins de l’Évangile. Toute démarche vers des reliques nous invite à rejoindre et à être contemporain du cortège des saints qui nous ont précédés à travers les siècles pour devenir saints nous-mêmes.

Toucher et embrasser un reliquaire n’est pas magique, mais par ce geste, posé par des milliers d’autres pèlerins, j’adhère à la foi de toute l’Église.

C’est donc avec l’Église et en Église que nous prions devant les reliques de saints, pour découvrir le message qu’ils nous laissent, leur demander qu’ils intercèdent pour nous et nous entraînent sur leur route « à leur prière et à leur exemple ». Nous nous mettons dans les pas de ces témoins de la foi, cette même et unique foi que nous partageons avec eux et tous les pèlerins passés, présents et futurs.

            S’il fallait retenir deux points : le culte des reliques nous rappelle que nous sommes appelés à devenir saints, et que nous sommes appelés à ressusciter !

Dr Patrick Theillier

[1] Cf. Congrégation pour les causes des saints. Instruction. « Les reliques dans l’Église. Authenticité et conservation » Rome 2017.

[2] Mais dans la pierre d’autel il y a toujours une relique !

 

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