Chers frères et sœurs,
Le pape émérite Benoît XVI s’est donc éteint le 31 décembre 2022, dans le couvent Mater Ecclesiae, au cœur du Vatican, où il s’était retiré depuis sa renonciation annoncée urbi et orbi le 11 février 2013. C’est un grand serviteur de l’Église qui nous a quittés, après 24 ans passés à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, comme premier collaborateur du pape saint Jean-Paul II, 8 ans de pontificat où il a tenu ferme la barre de l’Église contre vents et marées, et 10 ans de pontificat émérite, où il a continué à servir l’Église dans la prière, à l’école de saint Benoît.
Lorsque j’ai entendu l’annonce de sa mort, c’est ce verset du livre des Nombres qui m’est venu aussitôt à l’esprit : « Moïse était très humble, l’homme le plus humble que la terre ait porté » (Nb 12,3). C’est ainsi qu’il s’était présenté lui-même à la loggia de Saint-Pierre, le jour de son élection, le 19 avril 2005 : « Après le grand Pape Jean-Paul II, messieurs les cardinaux m’ont élu moi, un simple et humble travailleur dans la vigne du Seigneur ». Qui a pu le rencontrer, seul à seul, comme cela m’est arrivé à plusieurs reprises, s’accordera sur son humilité. Ce que le geste inédit de sa renonciation à son ministère pétrinien a confirmé : devant le déclin de ses forces physiques, il ne s’est pas accroché à sa charge, voire à son pouvoir, mais il s’est effacé tout entier devant l’unique et vrai bon pasteur de l’Église, le Christ, et devant son successeur auquel il a voué une obéissance inconditionnelle.
Sa renonciation n’a certes pas été une désertion. D’ailleurs, n’avait-il pas demandé aux fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre au jour où il inaugurait officiellement son pontificat : « Priez pour moi, pour que je ne m’enfuie pas par peur devant les loups » ? À travers les crises qu’il a dû affronter durant son ministère pétrinien, il est demeuré ferme et lucide, quelles que soient les tempêtes médiatiques qu’il a dû essuyer.
Benoît XVI restera à la postérité un grand docteur de l’Église, qui n’a eu de cesse de garder et de transmettre la foi catholique reçue des apôtres, dans une fidélité inflexible à la tradition bimillénaire de l’Église dont il ne s’est jamais considéré que comme l’humble serviteur. Ce que l’on retrouve dans son testament spirituel publié dans la soirée du 31 décembre 2022 par le Vatican : « Tenez bon dans la Foi ! Ne vous laissez pas troubler ! (…) J’ai vu et je vois comment, dans l’enchevêtrement des hypothèses, la raison de la Foi a émergé et émerge à nouveau ; Jésus-Christ est vraiment le chemin, la vérité et la vie – et l’Église, dans toutes ses imperfections, est vraiment son corps ».
Catéchète à la manière des pères de l’Église, il excellait dans l’art de commenter la sainte Écriture, d’abondance du cœur, mais avec beaucoup de rigueur exégétique et théologique, en faisant résonner la Parole de Dieu dans le cœur de tous, des plus simples aux plus savants. Théologien hors pair, il savait trouver des images fortes concrètes et suggestives qu’il tirait manifestement de son fond personnel et qui avaient l’art de toucher les intelligences et les cœurs. Je me souviens que son voyage apostolique à Lourdes, les 14 et 15 septembre 2008, au cœur de la piété populaire, a été en ce sens exemplaire. Il a été par excellence le gardien de la tradition, mais sans conservatisme : il savait que l’Église est vivante, qu’elle est un corps organique et donc qu’elle est appelée à croître à travers l’histoire, mais sans rupture !
Son « herméneutique de la réforme et du renouveau dans la continuité de l’unique sujet Église que le Seigneur nous a donné », appliquée au Concile Vatican II, est en ce sens très significative. Une marque encore de son humilité qui s’incline devant le mystère de l’Église qui n’est pas un matériau disponible entre nos mains.
Son humilité s’exprime encore dans le primat de Dieu et de l’adoration qu’il a toujours professé, nous invitant à renoncer à un christianisme séculier et mondain au profit d’un christianisme théologal dont il a été l’excellent témoin parmi nous, en particulier à travers le soin qu’il portait à la sainte Liturgie.
Je partage, bien sûr, la tristesse du peuple des fidèles, mais je suis habité par un sentiment de gratitude et d’action de grâce pour l’héritage lumineux qu’il nous laisse. J’ai la conviction que sa mémoire dépassera largement notre siècle et qu’on lira Benoît XVI comme on lit aujourd’hui, à des siècles de distance, saint Augustin, saint Léon Le Grand ou saint Jean Chrysostome.
Nous vivrons ces jours de deuil, dans la prière de recommandation de son âme à Dieu et d’action de grâce pour tout ce que nous lui devons, en grande communion avec notre pape François et l’Église universelle.
Puisse le Seigneur le faire entrer dans la joie de son Maître, comme un bon et fidèle Serviteur, lui qui a prononcé ces dernières paroles avant de s’endormir dans le sommeil de la mort : « Seigneur, je t’aime ».
En signe de reconnaissance pour la confiance que Benoît XVI m’a faite en me nommant évêque de Bayonne, Lescar et Oloron, il y a quatorze ans, et pour représenter l’ensemble du clergé et des fidèles du diocèse, je participerai à ses funérailles, présidées par notre pape François à Rome sur la place Saint-Pierre, jeudi 5 janvier à 9h30.
J’invite d’ores et déjà tous les fidèles qui le pourront, à la messe solennelle de l’Épiphanie que je présiderai le dimanche 8 janvier à 18h30 en la cathédrale Sainte-Marie de Bayonne, en hommage au pape émérite Benoît XVI.
Seigneur, donne lui le repos éternel,
Et que la lumière perpétuelle l’illumine
Qu’il repose en paix ! Amen !
+Marc Aillet