Communiqué de Mgr Marc Aillet sur l’Alliance des Cœurs unis

8, Fév 2024

Communiqué de Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, sur l’Alliance des Cœurs unis suite à l’enquête réalisée par le P. Gilbert Narcisse et Mme Aude Haushalter.

Suite à un article de Mikael Corre, publié le 12 octobre 2022 dans le quotidien La Croix (repris par Sud-Ouest le 14 octobre 2022), sur l’Alliance des Cœurs unis, dénonçant entre autres des phénomènes d’emprise et de dérives sectaires au sein de cette association que j’accompagne pastoralement, j’avais publié sur le site du diocèse un communiqué vous faisant part de ma décision de confier à un observateur extérieur une enquête auprès de membres de cette association pour y voir plus clair. A l’origine de ces retombées médiatiques et de différentes dénonciations auprès des autorités ecclésiales, une malheureuse affaire de famille, pour laquelle l’Alliance s’est toujours refusée à prendre parti, semble en être le déclencheur, origine dont il appartiendra si nécessaire à l’Alliance de faire établir la réalité. Déjà, l’Alliance des Cœurs unis avait rédigé un Droit de réponse qui a été publié par La Croix, le 13 novembre 2022, dans le courrier des lecteurs et qui faisait valoir de fausses allégations à son encontre.

Le Provincial de la Province dominicaine de Toulouse, que j’ai sollicité, m’a alors indiqué le P. Gilbert Narcisse, résidant au couvent des dominicains de Bordeaux, à qui j’ai confié cette mission d’enquête et qui s’est assuré le concours de Mme Aude Haushalter, laïque de Bordeaux et licenciée en Théologie.

Après avoir pris connaissance des écrits de Gaëtane de Lacoste Lareymondie (qui publie sous le pseudonyme de Virginie, son deuxième prénom de baptême), rencontré celle-ci et une vingtaine de membres de l’Alliance, ainsi que Mikael Corre, le P. Narcisse et Mme Haushalter, qui ont effectué les auditions ensemble et affirment être parvenus toujours à des convergences de vue, m’ont remis, le 12 janvier 2024, un Rapport de huit pages et 36 paragraphes, en trois parties : I. La mission et ses circonstances II. Les constatations de l’enquête III. Réflexions et recommandations. Je me propose de vous en donner les conclusions essentielles.

L’enquête a été menée de manière très sérieuse et a duré une année entière. Si la lecture des écrits de Gaëtane a semblé laborieuse aux enquêteurs et la nature de son expérience mystique étonnante, constatant des étrangetés « mais rien d’anormal sur le plan doctrinal », ils concluent de leurs longues rencontres avec elle : « Quant à Gaëtane, les rencontres avec elles nous ont laissé une très bonne impression. Nous avons découvert une croyante fervente, épouse, mère de famille, grand-mère (elle a une soixantaine d’années), bien engagée dans ses responsabilités et très équilibrée dans ses propos avec nous. Elle est habitée par un enthousiasme, lié à la fois à son expérience mystique (selon elle) et à sa mission dans l’Église. En effet, elle conçoit cette mission dans l’Église comme une aide pour les personnes à vivre pleinement de leur foi, selon l’enseignement de l’Église et la pratique sacramentelle et spirituelle de l’Église, dans le respect du Magistère, le tout selon une certaine pédagogie du Christ pour notre temps. Elle nous est toujours apparue sincère, humble et vraie ». Pour ma part, j’ai toujours constaté sa stricte obéissance à l’Église.

Les rencontres avec les membres, très diversifiés, et du point de vue géographique et du point de vue professionnel ou de l’engagement ecclésial (représentatifs de la moyenne des croyants en France), portaient sur quatre questions : « A quelle occasion avez-vous rencontré l’association ? Quels points vous ont attiré ? Quel apport pour votre vie ? Quelle place joue l’expérience mystique de Gaëtane ? ». La conclusion de ces rencontres est ainsi formulée dans le Rapport : « En conclusion, du point de vue spirituel et doctrinal, chez les personnes proches de l’association, dont certaines avec une forte capacité critique, nous n’avons entendu aucune remarque négative ni même un soupçon sur une déviation ou une emprise sur les personnes. Quand nous faisions remarquer qu’une telle expérience mystique pouvait fortement impressionner, on répondait que, pour eux, l’essentiel n’était pas là, car il s’agissait d’abord de vivre ce que l’Eglise demande de vivre. Ces témoignages nous apparaissent sincères et crédibles ».

Les enquêteurs ont rencontré aussi Mikael Corre, l’auteur de l’article de La Croix qui pointe, à partir de témoins qui restent anonymes, des phénomènes d’emprise et de dérives sectaires au sein de l’Alliance. Quand ils lui ont demandé si ces personnes accepteraient de témoigner auprès d’eux, ils précisent : « Aucune ne l’a voulu ». Et de commenter : « L’impossibilité pour nous de joindre d’autres témoins négatifs rend fragiles ces accusations, plutôt déduites par le journaliste que vraiment observées ou sérieusement analysées ». Au dire des enquêteurs, Mikael Corre reconnait même « qu’il n’a pas fait une enquête très approfondie et qu’il a plutôt senti un climat ». J’ajoute que le dossier de signalements de prétendues dérives sectaires auprès de la cellule épiscopale « emprises et dérives sectaires » est considéré comme clos par Mgr Jean-Luc Brunin.

Ce qui les amène à conclure sur les constatations de l’enquête : « Dans l’état actuel de notre enquête, nous n’avons constaté aucune emprise sur les personnes, aucune atteinte à leur liberté, humaine et spirituelle, aucune manœuvre économique douteuse. Au contraire, nous avons souvent constaté d’authentiques renouveaux spirituels chez les personnes engagées dans l’association, avec un souci de conformité doctrinale, de respect du Magistère et de sens de l’Église, signifié par de nombreux engagements dans l’Église locale. Les soupçons sur des fonctionnements condamnables ne nous ont pas été confirmés, faute de preuves. La vérité de l’origine surnaturelle des expériences mystiques relève d’une autre enquête. Sans nier que ces expériences mystiques, reçues comme authentiques, jouent un rôle, une sorte d’argument d’autorité, rien ne permet de dire que cela induit des anomalies chez les croyants de cette association ». Et encore, tout en reconnaissant les limites de cette enquête :

« Mais jusque-là, en toute conscience, nous n’avons pas constaté des faits négatifs, des idées ou des comportements malsains, mais plutôt le contraire. Nous restons quand même dans l’étonnement, à la limite de la perplexité, sur cette manière de référer la vie chrétienne à une supposée expérience mystique extraordinaire. Elle tranche beaucoup avec la vie ordinaire d’un croyant chrétien dans l’Église. Mais si la référence est extraordinaire, elle engage les chrétiens proches ou membres de l’association dans une vie ordinaire, plutôt fervente, celle d’un croyant chrétien dans l’Église ».

Nos enquêteurs font enfin de sages recommandations : pour aller plus loin, en particulier pour mieux évaluer le caractère mystique de ces messages et mieux en apprécier l’impact sur la vie chrétienne des membres de l’Alliance, il faudrait solliciter des personnes compétentes en matière de vie mystique et de sciences humaines, de théologie et de droit canonique, qui pourraient réaliser une autre enquête, dans le prolongement de plusieurs analyses théologiques complémentaires en cours visant à confirmer la conformité des messages avec le Magistère. Il faudrait proposer une présentation plus synthétique des écrits afin d’en mieux comprendre le message, à l’usage en particulier des groupes de prière liés à l’association, et étudier les conditions d’une meilleure et prudente insertion dans l’Église. Enfin, il est suggéré de s’adjoindre un second évêque pour un accompagnement plus collégial de cette association. Ces recommandations me seront très profitables pour exercer un accompagnement toujours plus prudent de l’Alliance des Cœurs unis.

Le rapport note encore qu’il « est important de respecter les personnes engagées dans l’association, à commencer par Gaëtane (et sa famille) … Il ne serait pas juste de les traiter à la légère (par méfiance de toute expérience mystique ou par tranquillité pastorale), voire de nuire à leur réputation (à la limite du droit) … Cette bienveillance s’impose par simple humanité et par notre foi chrétienne ».

L’accompagnement que j’entends poursuivre, en intégrant concrètement les recommandations qui me sont faites, s’inspire de la sagesse de l’Église ainsi exprimée dans le Catéchisme de l’Église catholique : « Au fil des siècles il y a eu des révélations dites  » privées « , dont certaines ont été reconnues par l’autorité de l’Église. Elles n’appartiennent cependant pas au dépôt de la foi. Leur rôle n’est pas d’  » améliorer  » ou de  » compléter  » la Révélation définitive du Christ, mais d’aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l’histoire. Guidé par le Magistère de l’Église, le sens des fidèles (sensus fidelium) sait discerner et accueillir ce qui dans ces révélations constitue un appel authentique du Christ ou de ses saints à l’Église. La foi chrétienne ne peut pas accepter des  » révélations  » qui prétendent dépasser ou corriger la Révélation dont le Christ est l’achèvement. C’est le cas de certaines religions non chrétiennes et aussi de certaines sectes récentes qui se fondent sur de telles  » révélations  » » (n. 67). Il va sans dire que les membres de l’Alliance sont renvoyés à la Parole de Dieu lue en Église, comme première référence de leur vie chrétienne, et au sensus fidei fidelium qui discerne, sous la conduite du Magistère, ce qui dans ces messages peut les aider, en cette période de notre histoire, à mieux vivre selon l’Évangile.

+ Marc Aillet, évêque de Bayonne

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