par M. l’abbé Philippe Beitia (Revue diocésaine “Notre Eglise” Mai 2021 – Illustration : vitrail cathédrale de Bayonne).
C’est la chronologie de l’évangile selon saint Luc que l’Église suit dans sa liturgie. Quarante jours après Pâques, nous célébrons l’Ascension du Seigneur et le cinquantième jour – la Pentecostes en Grec – la venue de l’Esprit Saint sur les Apôtres, la Vierge Marie et d’autres disciples. Pour le figurer, ne lançait-on pas des tribunes de certaines cathédrales, au Moyen-âge, des pétales de roses rouges sur l’assemblée réunie pour la messe de cette fête ?
Apparue probablement au IIIème siècle, cette fête est aussi celle du départ missionnaire de l’Église. Vers la fin du IVème siècle, on y célèbre également les sacrements de l’Initiation chrétienne pour ceux qui, pour une raison ou pour une autre, n’ont pu être baptisés à Pâques. Elle est donc, elle aussi, pourvue d’une veillée dont les textes liturgiques seront conservés jusqu’en 1955, année où cette vigile sera supprimée par Pie XII… avant d’être rétablie – comme une possibilité – il y a une trentaine d’années sous le pontificat de Jean-Paul II !
Les dons de l’Esprit Saint
Cet Esprit Saint, saint Luc nous l’a montré agissant dans la vie de Jésus, tant il est vrai que tout comme le Père est avec son Fils, l’Esprit, lui non plus, ne peut lui faire défaut, à cause de l’unité de la Trinité. C’est toute la Trinité qui réalise l’œuvre du salut même si chacune des Personnes y tient un rôle précis.
Cet Esprit qui est avec le Christ depuis sa conception dans le sein de la Vierge, se manifeste lors du baptême de Jésus sous une forme corporelle comme une colombe. C’est poussé par l’Esprit que Jésus affronte le diable et qu’il délivre ses victimes. Il repose sur Jésus pour qu’il annonce la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il lui donne d’exulter de joie et de louer Dieu qui révèle ses secrets aux tout-petits. Les miracles de Jésus qui mettent en échec le mal et la mort, la force et la vérité de sa parole, son intimité avec Dieu, témoignent qu’ilest bien le Messie attendu par Israël, le Fils de Dieu sur qui repose l’Esprit Saint. Cet Esprit agit aussi lors de la Passion qui nous sauve : C’est poussé par l’Esprit éternel, que le Christ s’est offert lui-même à Dieu comme une victime sans défaut ; son sang purifiera donc notre conscience des actes qui mènent à la mort, pour que nous puissions rendre un culte au Dieu vivant (Hbx. 9, 14).
Cet Esprit, il est donné aux disciples et à l’Église le jour de la Pentecôte. Il ne faut pas s’imaginer que les Apôtres aient eu un don de l’Esprit plus abondant que nous aujourd’hui : tout comme à eux, l’Esprit est donné en plénitude à toutes les époques de la vie de l’Église. Cet Esprit rappelle constamment à l’Église et à chaque chrétien les paroles et les gestes du Christ. Il les fait entrer petit à petit dans l’inépuisable mystère de Jésus, particulièrement dans celui de sa Passion et de sa Résurrection, et découvrir toujours, avec émerveillement et action de grâces, de nouveaux aspects certes mais aussi de nouvelles exigences pour en témoigner par la parole et les actes et, de fait, vivre toujours davantage la vocation chrétienne. L’Esprit pousse notamment à travailler à un monde plus juste. Cet Esprit donne à l’Église
d’annoncer dans toute sa pureté et sa richesse la Parole du Christ et il donne de rendre présents les actes de Jésus. Par le baptême et la confirmation donnés dans l’Église, le Christ donne aux hommes, par la grâce de l’Esprit, de devenir des Fils de Dieu et des témoins. Par l’eucharistie, non seulement le Christ rend présent l’offrande qu’il a fait de sa vie sur la croix et qu’il poursuit dans la gloire du Père, adorant le Père, lui rendant grâces, intercédant pour les besoins des hommes et pour le pardon de leurs péchés, mais il les entraîne dans son sillage. Et ainsi des autres sacrements. Cet Esprit qui fait l’union du Père et du Fils dans la Trinité fait l’unité de l’Église. Notamment par l’eucharistie qui unit la communauté à Dieu et qui nous unit les uns aux autres, qui suscite aussi un plus grand désir d’unité entre des chrétiens divisés. Cet Esprit est un esprit de force, un défenseur – c’est l’un des sens du mot paraclet -. Il est toujours avec la communauté chrétienne, non seulement lors des persécutions mais aussi pour l’affermir contre l’hostilité constante envers le Christ présente dans le monde des hommes. À chaque chrétien, il donne de plus force pour lutter contre son péché et ses faiblesses et marcher sur les chemins de l’Évangile. Cet Esprit envoie l’Église en mission tout comme il l’a fait lors de la Pentecôte pour les Apôtres. Il guide et accompagne ceux qui témoignent du Christ ou annoncent sa Parole avec autorité. Qui témoignent en vue d’instaurer une plus grande justice. Si la Parole de Dieu est reçue dans les cœurs, les vies et les sociétés avec joie, c’est dû à l’action de l’Esprit. Aussi comprend-on que, lors de la semaine qui précède la Pentecôte, l’Église implore la venue de l’Esprit. Elle demande qu’il habite le cœur des croyants. En faisant d’eux le temple de sa gloire, il leur donnera de connaître les réalités d’En-Haut et les fera grandir dans la foi. En changeant leur cœur en un cœur que Dieu aime, le Saint Esprit leur donnera la force pour discerner la volonté de Dieu et pour l’accomplir tout au long de leur vie. Ce faisant, ils pourront se dévouer à son service et être unis dans l’accomplissement de sa volonté. Le jour de la Pentecôte, l’Église implore enfin l’accueil de l’Esprit par tous les hommes ainsi que la poursuite de l’œuvre d’amour et de salut de Dieu parmi tous les peuples : Aujourd’hui, Seigneur, par le mystère de la Pentecôte, tu sanctifies ton Église chez tous les peuples et dans toutes les nations ; répands les dons du Saint-Esprit sur l’immensité du monde, et continue dans les cœurs des croyants l’œuvre d’amour que tu as entreprise au début de la prédication évangélique.
L’Esprit est présent et agissant en tout temps et en tout lieu
« L’Esprit se manifeste d’une manière particulière dans l’Église et dans ses membres; cependant sa présence et son action sont universelles, sans limites d’espace ou de temps. Le Concile Vatican II rappelle l’œuvre de l’Esprit dans le cœur de tout homme, par les « semences du Verbe », dans les actions même religieuses, dans les efforts de l’activité humaine qui tendent vers la vérité, vers le bien, vers Dieu. […] La présence et l’activité de l’Esprit ne concernent pas seulement les individus, mais la société et l’histoire, les peuples, les cultures, les religions. En effet, l’Esprit se trouve à l’origine des idéaux nobles et des initiatives bonnes de l’humanité en marche : « Par une providence admirable, il conduit le cours des temps et rénove la face de la terre ». Le Christ ressuscité « agit désormais dans le cœur des hommes par la puissance de son Esprit; il n’y suscite pas seulement le désir du siècle à venir, mais, par là même, anime aussi, purifie et fortifie ces aspirations généreuses qui poussent la famille humaine à améliorer ses conditions de vie et à soumettre à cette fin la terre entière » 41. C’est encore l’Esprit qui répand les « semences du Verbe », présentes dans les rites et les cultures, et les prépare à leur maturation dans le Christ. »Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris missio (7 décembre 1990) n°28.