Compte-rendu de la journée par le Dr Patrick Theillier, vice-président de l’Académie diocésaine pour la vie
Trente après la publication de l’encyclique de Jean-Paul II « L’Évangile de la Vie » sur la valeur et l’inviolabilité de la vie humaine, le 25 mars 1995, l’Académie diocésaine pour la vie organisait toute la journée du 29 mars, pour son 30ème anniversaire, un Colloque « Toute vie humaine est sacrée, Evangelium vitae » au Sanctuaire Notre-Dame du Bout du Pont « Refuge de la mère et l’enfant » à Pau.
Ce colloque a été un grand moment pour notre diocèse.
Mgr Marc Aillet accueillait les participants (plus de 200) et présentait cette journée, remerciant les intervenants et spécialement Olivier Drapé, délégué général de l’Académie diocésaine, cheville ouvrière de ce Colloque, avec le concours des Associations pro-vie actives sur le diocèse : Alliance Vita, la Fondation Jérôme Lejeune, les A.F.C., Mère de Miséricorde.
Notre évêque indiquait que ce qui l’avait motivé c’était de répondre à la préconisation du pape François, dans sa Bulle d’Indiction pour l’année jubilaire, Pèlerins de l’Espérance, exhortant l’Eglise à donner, durant cette année jubilaire, trois signes d’Espérance ; comme premier signe : la recherche de la paix ; le deuxième signe d’espérance : l’ouverture à la vie, avec une maternité et une paternité responsables ; le troisième signe : le soin que nous sommes appelés à porter à toutes les personnes en situation de détresse
Il précisait que nous nous situons dans la ligne du Forum Viva du 22 et 23 mars à Paris, réunissant 17 associations, et publiant un manifeste proclamant : « La vie est toujours un bien ».
Le Dicastère pour la famille, les laïcs et la vie a également publié le 25 mars un document visant à « engager des processus pour une pastorale de la vie humaine », le Saint-Siège souhaitant promouvoir dans tout diocèse, et même dans toute paroisse, un service dédié à la pastorale de la vie humaine et de la famille.
Il invoquait alors l’Esprit-Saint avec la prière de sainte Marie de Jésus crucifié.
Le premier intervenant était Mgr Jean Laffitte, originaire d’Oloron Sainte Marie, ancien vice-président de l’Institut Jean-Paul II, nommé vice-président de l’Académie pontificale pour la vie en 2006, également ancien secrétaire du Conseil pontifical pour la famille.
Il reprenait l’essentiel de l’Encyclique, précisant que ce texte s’adresse à toute personne de bonne volonté : la vie ne peut être créée du dehors, ce qui pose le problème de son origine. Jean-Paul II nous a mis devant cette évidence du caractère précieux et inestimable de la vie, et de la valeur et de l’inviolabilité de la vie humaine, fondé sur la loi naturelle. Qui plus est, le Christ a révélé le sens plénier de la vie en annonçant : « Je suis venu pour qu’ils aient la vie, la vie en abondance », se présentant lui-même comme la Vie. Le Fils éternel de Dieu s’est identifié à la Vie ! Notre vie ici-bas a des enjeux d’éternité. Le péché, c’est la mort spirituelle. Si la perspective éternelle est ignorée, la vie est bafouée.
Ainsi EV précise que « quiconque hait son frère est un homicide » et donne un enseignement clair, définitif et normatif sur le fait que la vie appartient à Dieu. De fait, tout acte d’avortement volontaire ou d’euthanasie est intrinsèquement illicite en tant que grave violation de la loi de Dieu, constance de l’enseignement de l’Eglise, s’imposant à nous de manière certaine et définitive.
Toute existence appartient à Dieu ! Jésus a connu notre fragilité. Par sa mort, il révèle la vraie Vie. Dans la Genèse, Dieu ne dit-il pas à Caïn : « A chacun je demanderai compte de la vie de son frère », et au jeune homme riche qui l’interroge : « Tu ne tueras point » ? L’Evangile est tout entier un Evangile de la Vie : notre destinée est de vivre avec Dieu !
Tugdual Derville, porte-parole d’Alliance Vita, mettait en évidence sept pièges ou mensonges ou malentendus concernant cette doctrine qu’il est nécessaire de relever pour « ne pas donner aux gens un sac à dos d’interdits » !
1°) La loi naturelle s’impose à tous car elle est insérée dans les cœurs de tout humain, dans la nature même de l’Homme, même si on constate aujourd’hui une éclipse du sens de l’Homme qui est corrélée avec une éclipse du sens de Dieu. A la base, ce n’est pas une question religieuse.
2°) Il faut lever un malentendu sur la souffrance : l’expérience commune, c’est que « vivre, c’est souffrir ». Il y a toujours une corrélation entre la peine et la joie. L’enjeu est de savoir ce que je fais de cette souffrance. Victor Frankl disait : « Vivre dignement les souffrances inévitables ».
3°) Malentendu sur la liberté. Il existe toutes sortes de fausses libertés…, des libertés liberticides qu’on impose aux autres, empêchant la vraie liberté et pouvant voler la vie !
4°) Malentendu sur l’humanité : la question sociale est radicalement devenue une question anthropologique : qui est l’Homme ? Le matérialisme, l’hédonisme et le consumérisme ont engendré le malthusianisme et le néomalthusianisme (trop d’êtres humains) ainsi que l’eugénisme (ne pas laisser naître ceux qui sont hors-normes). Sans parler de l’animalisme ou antispécisme (j’envie mon chien) et du technologisme qui mène au transgénisme (gender). Nous sommes tous contaminés !
5°) Il faut aussi lever un malentendu sur la miséricorde : notre société souffre énormément de culpabilité parce qu’elle ne connait pas la miséricorde. La miséricorde, c’est la forme de l’amour au contact de la souffrance. Ne pas croire à la miséricorde est un contre-sens satanique. Tout en gardant comme ligne de crête : vérité et miséricorde ensemble !
6°) Malentendu sur la démocratie : elle peut devenir un totalitarisme, en particulier avec le nominalisme amenant par exemple à parler d’« aide à mourir »…
7°) Malentendu sur la vie elle-même : la vie, ce sont les vivants, qu’on a vite fait de laisser ou de mettre à l’écart ! Il faut aussi se battre pour les conditions de vie, pour « Être 100% vivants » !
Conclusion : l’Eglise catholique est la seule structure opposée à l’athéisme libertin de nos pays occidentaux ; elle est un trésor très attractif car elle repose sur le sceau de l’amour, tellement bien exprimé par EV.
L’après-midi, Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune, présentait d’abord un très beau film sur le travail effectué depuis 30 ans de lois de bioéthique. Avec le témoignage d’un jeune couple, parents d’un enfant atteint de trisomie, anomalie détectée par le Pr. Lejeune.[1]
Il mettait, lui aussi, en évidence cette rupture anthropologique actuelle où l’enfant est devenu « un projet parental » : aujourd’hui, on veut soit « des enfants à tout prix », soit « avoir des enfants à aucun prix »… ! Dès lors que l’on choisit, que l’on sélectionne, que l’on veut « un bon produit », l’embryon humain devient un matériau biologique à transformer. Nous sommes entrés dans une période de marchandisation du vivant. Aujourd’hui, la quasi-totalité d’une population, éliminée sur le critère de son génome imparfait, a disparu : l’extinction de cette partie de l’humanité est le fait d’un eugénisme efficace vendu par des marchands, acheté par l’Etat et mis en œuvre par la médecine.
Ainsi, inexorablement, les lois de bioéthique se sont débarrassées de l’éthique, avec deux grands moments :
1°) Le rejet de l’être humain pour ce qu’il est, avec une morale technicienne eugénique par le diagnostic d’abord prénatal, ensuite préimplantatoire
2°) La création d’êtres déshumanisés que sont les embryons conservés dans le froid absolu.
Il évoqua alors la magnifique figure de Jérôme Lejeune[2], mort le dimanche de Pâques 3 avril 1994, que saint Jean-Paul II avait nommé trente-trois jours avant premier président de la nouvelle Académie pontificale pour la vie. Lors de son voyage en France en 1997. il rendit hommage à ‘son frère Jérôme » en allant se recueillir sur sa tombe.
Le Pr. Lejeune, pionnier de la génétique moderne, découvre, à 32 ans, en 1959, que le « mongolisme », comme on l’appelait alors, est le résultat d’une aberration chromosomique sur le chromosome 21. Au début d’une carrière prestigieuse, il renonce à cet avenir sans hésitation lorsque, en 1969, il comprend que ses travaux, dénaturés par d’autres, ne serviront pas à soigner les enfants trisomiques, mais à les supprimer avant qu’ils voient le jour.
Médecin visionnaire, il a été apôtre de la vie et de la science, consacrant son temps à la recherche médicale et à la défense des plus vulnérables. Face à l’adversité et aux défis éthiques, il a porté haut les valeurs de la dignité humaine et de la foi.
La fondation Jérôme Lejeune dont Jean-Marie Le Méné est président-fondateur depuis 30, en 1994, a pour mission la recherche de traitements pour la trisomie 21 et les autres déficiences intellectuelles génétiques.
Il nous rappelait aussi que l’encyclique de saint Paul VI, de juillet 1968, était un texte également prophétique par excellence, qui a condamné le transhumanisme avec dix ans d’avance sur un monde qui n’avait rien vu venir.
Une table-ronde permettait alors aux intervenants de répondre aux nombreuses questions des participants.

Mgr Aillet concluait cette journée passionnante avant la célébration de la messe du 4ème dimanche de carême Laetare, messe d’action de grâce !


[1] Aude Dugast, n’a pas pu venir, ayant sa mère âgée hospitalisée. Elle est postulatrice de la cause de béatification de Jérôme Lejeune, reconnu vénérable le 21 janvier 2021 sur l’héroïcité de ses vertus.
[2] Son beau-père.