Jusqu’à la Loi de Jules Ferry sur l’école gratuite et obligatoire, en 1883, la catéchèse et la prédication, et aussi les rencontres personnelles avec les paroissiens, se faisaient exclusivement en béarnais, et pour cause, puisque la plupart des gens du rural ne connaissaient pas le français.
Il n’est pas inutile de parler ici d’une coutume très méconnue d’une manière générale, et par les Béarnais et par les Basques, à savoir, le bilinguisme qui se pratiquait entre les villages « frontaliers ».
Après la communion solennelle, des enfants étaient envoyés comme domestiques pour apprendre le béarnais ou le basque. Il fallait bien pouvoir communiquer au marché et dans les rencontres.
J’ai recueilli beaucoup de témoignages dans les deux régions, venant s’ajouter à ma propre expérience dans ma famille. Une trace très remarquable, en est le nombre de patronymes basques en Béarn, et réciproquement.
ATTACHEMENT À LA CULTURE
Ceci peut aussi expliquer que les difficultés entre Basques et Béarnais, viennent plutôt du clivage entre l’attachement plus grand à la culture d’un côté que de l’autre. Ceci se vérifie par les relations très fortes entre les gens attachés à leur culture de part et d’autre. Et, par le fait même, des oppositions vécues avec des gens n’étant pas intéressés par leur culture d’origine.
Ici, il faut signaler un très grand changement chez beaucoup de jeunes, et quelques adultes, très désireux de retrouver la langue béarnaise ou gasconne, ainsi que les chants et les danses. Les demandes de chants béarnais dans la liturgie sont de plus en plus fréquentes.
J’ai reçu un témoignage, vieux d’un siècle, très explicatif. Avec la fréquentation de l’école, les curés du Béarn ont progressivement pris l’habitude de prêcher et de faire le catéchisme en français. En 1923, Mgr Gieure, évêque de Bayonne, et lui-même Landais d’origine, reprochait aux curés du Béarn de « ne pas nourrir leur peuple, en ne parlant pas sa langue ».
Et il y a quelques années, un curé du Béarn retrouvait le double de la réponse du lointain prédécesseur de sa paroisse :
« Je suis, béarnais, béarnophone, béarnophile, béarnisant. Avec quelle joie j’aimerais utiliser le béarnais, dans la prédication et la catéchèse, ils l’apprennent en français ».
Je n’aurais pas signé cette lettre, mais j’admire la réflexion de ce prêtre -pour ce qui me concerne, je n’ai pratiquement jamais omis d’employer un peu de béarnais dans la liturgie-.
AUJOURD’HUI
Le contexte est totalement différent. Les dernières réunions des conseils municipaux en béarnais, ont disparu dans les années 1970-80 ! Mais il y a l’enseignement du béarnais dans plusieurs écoles, et qui sont fréquentées aussi par des enfants, venant de toutes les régions de France.
Concernant la liturgie, la situation a beaucoup changé un peu avant la fin du siècle dernier. Le Conseil épiscopal du diocèse, dans les années 80, a donné une réponse positive à la demande de la célébration de cette messe au cœur du Festival du chant béarnais à Siros. Ce fut une très grande réussite car elle correspondait à un profond désir de pouvoir exprimer la culture locale dans la liturgie.
De plus, nous avons eu à répondre à de nombreuses demandes pour pouvoir inclure des chants en béarnais pour la messe de la fête patronale. C’est ainsi qu’à la demande du vicaire général, a été créée une commission de la liturgie en béarnais, sous la responsabilité du vicaire épiscopal.
Un autre événement, très encourageant nous a beaucoup aidés : la réalisation d’une rencontre d’une vingtaine de groupes de chants paroissiaux, en béarnais, venant de tous les coins du Béarn, à Notre-Dame de Bétharram. Un très grand succès. Comment ne pas continuer dans ce sens !
La présence de prêtres non béarnophones, n’est pas du tout un problème. Il suffit de charger quelqu’un d’entonner.
Pour toute information, nous avons au monastère de Sarrance, une réserve impressionnante de livrets pour faciliter cette réponse pastorale.
Rays aymats, qu’em hè hère de gay de bédé aqueth gran cambiamén
Mey leü qué d’abé bergounhe de parla en biarnés, ou d’en està mespresats, quépoudém bibé aquére cante : Qu’em ço qui em.
Adishats é her béroy. Belhats d’esta en la Patz.
Frère Pierre Moulia
Article paru dans Notre Eglise n°167