Édito de Monseigneur Marc Aillet dans la revue de juin 2023

Édito de Monseigneur Marc Aillet dans la revue de juin 2023

La vie dans l’Esprit

Cette année encore, le Seigneur me donne la grâce d’ordonner deux nouveaux prêtres pour le service du diocèse de Bayonne, Lescar et Oloron, dans lequel ils seront incardinés. Sans doute, ils viennent de loin : membres du Chemin néocatéchuménal, José Célestino est originaire du Venezuela et Fadi vient d’Égypte, mais c’est la Providence, qui est sage en tous ses desseins, qui les a envoyés – par tirage au sort, comme Matthias dans les Actes des Apôtres (cf. Ac 1, 21-26) – jusque dans notre beau diocèse basco-béarnais. Ils ont accompli toute leur formation au Séminaire Redemptoris Mater Saint Jean Paul II, en étroite relation avec le Séminaire des Saints-Cœurs de Jésus et de Marie. Ils ont appris à connaître le diocèse dans lequel ils s’engagent à servir. Je vous invite donc à venir nombreux pour les entourer au jour de leur ordination à la cathédrale Sainte-Marie de Bayonne, en particulier les prêtres qui auront à cœur de les accueillir au sein du presbyterium diocésain.


C’est aussi l’époque des confirmations et il faut se réjouir de voir l’action de l’Esprit Saint à l’œuvre chez les enfants, les jeunes et les adultes qui demandent ce beau sacrement. Leurs lettres sont pleines de témoignages bouleversants, du plus petit au plus grand, et je rends grâce à Dieu pour tant de consolations de la part de celui que l’on appelle précisément l’Esprit Saint consolateur. Mes rencontres de ces dernières semaines, avec des établissements scolaires de l’enseignement catholique, des groupes de jeunes, comme le groupe KT-Essence de Pau ou bien les jeunes qui s’apprêtent à participer aux JMJ – 342 jeunes de notre diocèse, actuellement inscrits ! –, une assemblée nombreuse et intergénérationnelle à une veillée de prière pour ceux qui souffrent dans leur corps ou dans leur âme, coorganisée par toutes les communautés et groupes de prière du Renouveau charismatique du Béarn, des groupes de confirmands, en particulier la cinquantaine d’adultes qui ont été confirmés à Lescar le jour de la Pentecôte… me font discerner la vitalité de notre Église diocésaine : l’Église du Christ, « l’Eglise qui se réveille dans les âmes » (Romano Guardini), c’est-à-dire l’Église qui vit à son vrai niveau, celui de la grâce de l’Esprit saint.


Le cycle des confirmations nous permet d’approfondir la vie chrétienne comme une « vie dans l’Esprit », ce qui caractérise, d’après le Catéchisme de l’Eglise Catholique, la morale chrétienne ! La vie dans l’Esprit, c’est la vie qui se déploie à partir de la grâce de l’Esprit Saint reçue au baptême : la grâce engendre en notre âme tout un organisme surnaturel, source d’un agir qui nous relie à Dieu. Ce sont d’abord les vertus infuses, en particulier les vertus théologales de foi, d’espérance et de charité qui nous donnent de connaître et d’aimer Dieu comme il se connaît et s’aime lui-même ; et ce sont les dons du Saint-Esprit, ces dispositions permanentes infusées dans notre âme, qui nous rendent promptement dociles aux inspirations du Saint-Esprit. Les vertus théologales sont « dans notre main », au sens où il nous appartient de prendre l’initiative d’un acte de foi ou d’un acte de charité qui nous relie directement à Dieu dans son mystère intime, mais de manière imparfaite, parce que Dieu s’adapte alors à notre nature humaine qui est imparfaite. Les dons du Saint Esprit, en revanche, nous donnent d’agir d’une manière « suprahumaine », où c’est Dieu qui prend l’initiative : « Tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né du souffle de l’Esprit » (Jn 3, 8). Ces dons sont nécessaires, sinon nous risquerions de nous décourager en chemin : comme la maman qui s’adapte d’abord au rythme de son petit enfant pour parcourir une grande distance et qui finit par le prendre dans ses bras pour marcher à son rythme à elle. Pour être plus fréquemment « agis » par l’Esprit Saint, il nous faut avoir le souci de demeurer en état de grâce et poser habituellement des actes de foi, d’espérance et de charité.

Le temps des confirmations pourrait bien être un temps propice pour approfondir cette vie dans l’Esprit et ainsi manifester le vrai visage de l’Église.

Mgr Marc Aillet, édito paru dans la revue « Notre Eglise » de juin 2023

Édito de Monseigneur Marc Aillet dans la revue de mai 2023

Édito de Monseigneur Marc Aillet dans la revue de mai 2023

C’est dans la communauté que le Ressuscité veut se manifester à nous

Une trentaine d’adultes ont été baptisés dans la nuit pascale dans notre diocèse. On enregistre une forte progression du nombre de baptêmes d’adultes en France : 5463 en 2023, contre 4300 en 2022 ! Sans doute cela ne compense pas la baisse vertigineuse de baptêmes de petits enfants, signe évident d’une déchristianisation de notre pays : on est passé de 400 000 en 2000 à 334 000 en 2008 et à moins de 200 000 aujourd’hui. Il reste que si les adultes sont plus nombreux à demander le baptême, c’est bien parce que le monde matérialiste ne satisfait pas la soif d’absolu et de transcendance qui grandit dans le cœur de nos contemporains. Nous rendons grâce pour la vitalité missionnaire que révèle la demande croissante de baptêmes d’adultes, même si cette demande est souvent inattendue et témoigne du mystère d’un Dieu vivant qui frappe à la porte de leur cœur. Ce qui nous invite à un examen de conscience : quelle est la radicalité de notre foi, pour que ceux qui nous voient vivre soient saisis par notre témoignage ? Quand 10% de français croient en la Résurrection, 57% de catholiques pratiquant tous les dimanches, seulement, adhèrent à ce mystère central de notre foi.

La communauté chrétienne, qui commence dans la famille, est la matrice de la foi, comme rencontre vivifiante avec le Christ ressuscité. C’est la leçon par excellence de la fête de Pâques. C’est quand les apôtres sont réunis au Cénacle que Jésus, alors que tout semble bouché, qu’il n’y a plus d’issue – « Les portes … étaient verrouillées » (Jn 20, 19) –, que le Seigneur ressuscité se manifeste à eux et leur donne sa paix : « La paix soit avec vous » (Ibid.). Et l’évangéliste d’insister sur le fait que Thomas n’était pas avec eux, quand il était apparu à ses disciples le soir du premier jour de la semaine, et lui ne voulait pas croire le témoignage de ses frères. Mais le huitième jour, « Thomas était avec eux » (Jn 20, 26), et c’est alors que Jésus ressuscité lui apparaitra à lui aussi, suscitant sa magnifique profession de foi : « Mon Seigneur et mon Dieu » (Jn 20, 28). C’est dire l’importance de la communauté chrétienne, telle qu’elle est décrite dans les Actes des Apôtres (cf. Ac 2, 42-47) : assiduité à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières.

Quand Jésus apparaît aux saintes femmes, au matin de Pâques, il leur dit : « Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront » (Mt 28, 10). Pour la première fois, Jésus les appelle ses frères : ils sont appelés à entrer dans une communion fraternelle avec lui, c’est cela la grâce du baptême qui nous unit au Christ ! Pourquoi la Galilée ? C’est là que les disciples ont rencontré Jésus, qu’ils l’ont côtoyé ordinairement, qu’ils ont écouté sa Parole, qu’ils ont partagé son intimité. D’où la question : quelle est notre Galilée à nous ? C’est le lieu où nous avons rencontré Jésus, où nous avons approfondi notre relation avec lui, où il nous a appelé et envoyé en mission. Qu’est-ce sinon l’Eglise ? Mieux : la communauté chrétienne qui est pour nous l’Eglise au quotidien ! Le temps pascal nous invite à approfondir notre lien à l’Eglise, telle qu’elle est et non comme nous la rêvons : nous avons tant de préjugés, tant d’idées toutes faites pour la « réformer », tant de raisons de refuser ceux qui sont différents, de nous scandaliser du péché des uns, des manières de faire des autres… Les adultes qui demandent le baptême ne sont pas scandalisés par les péchés des hommes d’Eglise, ils découvrent vite que c’est dans l’Eglise que le Christ ressuscité se manifeste à eux. Encore faut-il que l’Eglise soit pour nous une vraie communauté, ce qui passe par des exigences de fréquentation fidèle.

Comme je vous y invitais au début de cette année pastorale : « Je souhaite que l’on prenne régulièrement le temps, dans nos communautés paroissiales, d’écouter ensemble la Parole de Dieu et d’approfondir la foi de l’Eglise, en particulier à l’aide du Catéchisme de l’Eglise Catholique » (Notre Eglise n° 140, p. 4). Se réunir, si possible chaque semaine, en petites fraternités, pour scruter la Parole et en partager l’écho dans nos vies, organiser des temps mensuels de catéchèse d’adultes : ce me semble une priorité pour revitaliser nos communautés.

Avec Jésus Sauveur, une rédemption est possible

Avec Jésus Sauveur, une rédemption est possible

La dernière assemblée plénière des évêques de France a été traversée par la crise des abus sexuels dans l’Eglise, cette fois par la mise en cause d’évêques, certes émérites aujourd’hui et coupables d’abus lorsqu’ils étaient prêtres. Nous avons dû porter ce poids, non sans honte et consternation. Et je comprends la déception, voire la colère qui s’empare de fidèles déçus et blessés dans leur confiance en l’Eglise et en sa hiérarchie.

Sans doute, notre pensée va d’abord aux victimes, dont il nous faut reconnaître la souffrance et accompagner le chemin de reconstruction. Ces nouvelles révélations nous stimulent à poursuivre le travail que nous avons engagé pour faire de l’Eglise une « maison sûre ». Au cours de la dernière assemblée, nous avons eu un point d’étape avec les pilotes laïcs des neuf groupes de travail que nous avions constitués après l’assemble plénière de novembre 2021, pour mettre en œuvre les résolutions que nous avions prises, suite au Rapport de la CIASE.

Dans le diocèse, nous ne sommes pas restés inactifs. En décembre 2021, j’ai nommé une déléguée épiscopale à la protection des mineurs et des personnes vulnérables. En mai-juin 2022, une conférence a été organisée pour sensibiliser à la juste posture éducative ; une campagne d’information « Enfant en danger, les bons réflexes », a été organisée par le biais de dépliants envoyés à toutes les paroisses ; et des affiches sur la « Cellule d’écoute des victimes » ont été adressées également à toutes les paroisses. Cette cellule, créée en 2016, a été renouvelée en septembre-octobre 2022. Et je viens de promulguer une « Charte de protection des mineurs et des personnes vulnérables », en ligne sur le site diocésain, qui nécessitera un engagement de tous ceux qui œuvrent auprès des enfants et des jeunes. Enfin, je viens de signer un protocole d’accord avec le diocèse de Paris pour la mutualisation de la formation en ligne « Protéger l’enfance », lancée le 5 octobre 2021 à Paris. D’autre part, nous avons déjà versé une première somme de 100 000 euros au fond SELAM qui permet à l’INIRR (Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation), d’aider les victimes qui le demanderont.

Outre cette aide psychologique et financière apportée aux victimes, le plus important reste de leur offrir un compagnonnage fraternel, par lequel elles seront reconnues comme membres à part entière de l’Eglise, leur donnant droit à tous les moyens humains et spirituels, nécessaires à leur guérison intérieure. Seule la grâce de Dieu peut en effet guérir de telles blessures. Nous ne pouvons pas non plus délaisser les coupables : les peines encourues doivent être médicinales et les aider à s’amender, à se resituer dans la perspective de leur destinée éternelle et face à un Dieu qui est juge et sauveur, lent à la colère et plein d’amour.

Les souillures imposées à l’Eglise par ses membres ne doivent pas nous décourager, et au contraire nous devons en prendre prétexte pour nous purifier et nous convertir toujours davantage à l’Evangile dont nous sommes appelés à être les témoins. Mais nous devons aussi renouveler notre confiance en Dieu et en l’Eglise. Certes il faut réparer le scandale qui affecte les plus petits et les plus faibles, tentés légitimement de quitter l’Eglise. Mais il faut aussi nous enraciner dans la foi, en fixant les yeux sur Jésus-Christ qui est à l’origine et au terme de notre foi (cf. He 12, 1). Il faut approfondir le Mystère de l’Eglise qui est sainte et sans péché, même si elle n’est pas sans pécheurs. Jésus est venu non pour les justes mais pour les pécheurs et nous n’avons pas à nous étonner que le Seigneur n’ait pas soumis l’efficacité des sacrements à la sainteté du ministre.

Le temps de l’Avent est un temps de pénitence bienvenu en ces temps troublés pour repartir du Christ, dont nous célébrerons le premier avènement à Noël : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle qui sera une grande joie pour tout le peuple : aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur » (Lc 2, 10-11). Oui, une Rédemption est possible : « La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée » (Jn 1, 5).

Éditorial de Mgr Marc Aillet paru dans la revue « Notre Église » de décembre 2022

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